Le Bengale est un pays d'eau. L'eau de la mousson qui tombe en grosses gouttes tièdes et inonde en quelques minutes les rues de Kolkata. L'eau du Gange et du Brahmapoutre qui descend de l'Himalaya et forme dans la grande plaine bengalie des fleuves immenses.
L'eau des rizières, entourées de petites digues qui sont autant de sentiers pour parcourir la campagne. L'eau des étangs autour desquels la vie s'organise. L'eau dans laquelle on immerge les statues des déesses chaque année.
Le Bengale est un pays de lumière. Une lumière dorée qui donne aux couleurs une force particulière. Le vert des jeunes pousses de riz, la chair orange des papayes, le noir des buffles qui tirent les charrettes et le rouge des saris de mariage.
Le Bengale est un pays de poètes, le grand Tagore bien sûr, et les Bauls qui chantent un Dieu d'amour pour lequel il importe peu d'être hindou ou musulman, mais aussi le cinéaste Satyajit Ray pour ne citer que le plus grand de tous les artistes poètes bengalis.
Le Bengale est une grande plaine fertile qu'ont traversée bien des envahisseurs. Chacun a enrichi la culture bengalie sans réussir à la soumettre totalement. L'hindouisme comme l'islam ont dû composer avec la force des traditions bengalies, et l'on retrouve dans les chants des Bauls cette résistance ancienne à l'embrigadement religieux. C'est par le Bengale que les Britanniques sont arrivés en Inde, et c'est ici que la rencontre culturelle entre l'orient et l'occident a porté certains de ses plus beaux fruits. Le Bengale est donc un lieu de culture et de débats passionnés.
Le Bengale, c'est un peuple, uni par sa langue, mais divisé entre deux pays, l'Inde et le Bangladesh.
Les Bengalis des deux côtés de la frontière se ressemblent beaucoup. Un peu plus riches à l'ouest, un peu plus traditionnels à l'est. Mais, dans des villages semblables, des paysans, qui cultivent la terre de la même façon, sortent un harmonium lorsque la nuit tombe pour vous chanter les mêmes chansons de Tagore.
Pourtant, la séparation entre les deux Bengale fait peu à peu son effet. Elle est liée à la "Partition" de l'Inde lors de son indépendance en 1947, c'est-à-dire à la division de l'ancien Empire britannique des Indes en deux pays, l'Inde et le Pakistan, sur une base religieuse.
Le Bengale est partagé entre ces deux pays. La partie Ouest devient un État de l'Union indienne, le West Bengal, majoritairement hindou. La partie Est, à forte majorité musulmane, est rattachée au Pakistan. Plus tard, en 1971, cette partie orientale du Bengale s'est séparée du Pakistan et est devenue un pays indépendant, le Bangladesh.
La Partition en 1947 et la naissance du Bangladesh en 1971 ont donné lieu à de nombreux drames et à de grandes vagues d'exil. Les musulmans du Bangladesh ne sont pas bien considérés à l'Ouest. Les familles hindoues aisées qui ont dû quitter leur maison dans l'Est pour tout reconstruire autour de Kolkata à l'Ouest voient souvent en eux, au mieux des "bouseux" arriérés, et au pire des ennemis dont la culture serait plus musulmane que bengalie. Il nous a pourtant semblé que la culture bengalie était bien vivante au Bangladesh, parfois même plus forte encore qu'au West Bengal, parce que le Bangladesh est moins en contact avec l'occident.
Au Bangladesh aussi les années qui passent creusent le fossé avec les Bengalis de l'Ouest. L'islam est utilisé dans les luttes politiques, ce qui donne aux plus fondamentalistes, pourtant faibles électoralement, un poids important dans les décisions gouvernementales. Les projets de détournement d'une partie de l'eau de plusieurs fleuves par l'Inde, avant leur entrée au Bangladesh, empoisonne aussi les relations entre les deux pays.
Bien entendu ceci ne reflète que notre compréhension, forcément limitée, des relations entre les deux Bengale. En consacrant un site au Bengale dans son ensemble, nous formons le vœux que ce qui unit tous les Bengalis soit plus fort que ce qui les divise.