Petite-Terre


Les Villes



Il y a deux villes géantes au Bengale. Dhâkâ est la capitale du Bangladesh, et Kolkata celle de l'Etat indien du West Bengal.


                                                   Kolkata (Calcutta)

Kolkata, qui s'appelait autrefois Calcutta, est une très grande ville (au moins 14 millions d'habitants pour l'ensemble de l'agglomération, qui comprend aussi Howrah, la ville jumelle de l'autre côté du fleuve). Les Anglais en avaient fait la capitale de l'Inde britannique de 1772 à 1911, puis l'ont abandonnée pour New Delhi. Au centre de la ville, le "Victoria Memorial", un grand batiment blanc devenu un musée, témoigne de cette période.

La ville est traversée par un bras du Gange, la Hoogly. Des "ghat" permettent d'accéder au fleuve. Par ces larges escaliers, on descend jusqu'à l'eau pour prier ou tout simplement pour se laver. On peut traverser la Hoogly en bateau ou par trois ponts. Le principal est le pont de Howrah qui permet d'accéder à la gare, et qui est un des lieux symboliques de Kolkata.

Kolkata est une ville passionnante. Elle n'est plus le foyer intellectuel et culturel majeur qu'elle a été. Elle reste une ville d'artistes, d'écrivains, de poètes... "C'est une ville où la culture compte encore plus que l'argent" explique ainsi une jeune journaliste, qui déteste que les Occidentaux ne voient de sa ville que la misère et le souvenir de mère Teresa.

Kolkata est une ville de travailleurs. Ceux qui tirent, arc-boutés, de trop lourdes charges sur des "vélos-camions" équipés d'une plate-forme derrière la selle. Ceux qui construisent des immeubles modernes sur des échafaudages de bambou, sans aucune protection contre la chute, ceux qui parcourent inlassablement les rues pour vendre des grains de riz soufflés ou des chaussettes, et les femmes de ménage qui courent toute la journée d'une maison à l'autre.

Kolkata est une ville polluée. On y respire mal et les problèmes respiratoires sont fréquents. Pour y remédier, la municipalité a décidé d'imposer à tous les tricycles à moteur (qu'on appelle des "autos") le passage d'un moteur deux temps très polluant au GPL, suivant ainsi l'exemple de Dhâkâ. Comme cette décision prenait effet au 1er janvier 2009, un journal bengali a titré ce jour-là "happy new air" au lieu de "happy new year". Les conducteurs des " autos" ont manifesté et bloqué la ville, s'estimant insuffisamment aidés pour faire face aux frais du changement de moteur. Les délais ont été un peu allongés.

Il n'est pas certain que le passage des "autos" au GPL suffise à rendre l'air plus respirable. Car le nombre des voitures ne cesse d'augmenter. Il y a quelques années, toutes les voitures se ressemblaient. Les taxis jaunes et les voitures particulières blanches étaient toutes des "ambassador", de très belles vieilles voitures qui semblaient sorties d'un film des années 50. Les ambassador sont toujours là. De toute façon, elles sont presque inusables. Souvent ce sont des voitures de fonction mises à la disposition de hauts fonctionnaires ou de cadres d'entreprise, avec un chauffeur. Mais la nouvelle classe moyenne achète maintenant des voitures plus modernes, des 4X4 ou des petites japonaises. La circulation devient encore plus difficile. Les propriétaires de ces voitures les conduisent souvent eux-mêmes, et les accidents sont plus fréquents, d'autant qu'offrir de l'alcool à ses invités fait également partie des nouveaux usages de ceux qui se sont enrichis ces dernières années.

Cette nouvelle richesse est en train de changer la physionomie de la ville. Les grands centres commerciaux poussent comme des champignons. Les boutiques de luxe offrent tous les derniers gadgets à la mode. Il y a dix ans, tout cela n'existait pas. Cet enrichissement profite-t-il à tous ? Pas forcément, car Kolkata était une ville où les pauvres pouvaient vivre. Ils arrivaient souvent d'autres Etats indiens, comme le Bihar ou l'Orissa, et ils cherchaient de petits boulots. Leurs hébergement de fortune étaient tolérés, et on trouvait à tous les coins de rue du riz arrosé d'un peu de sauce de lentilles pour presque rien. Kolkata était la ville en Inde où la vie était la moins chère.

Et puis, à partir des années 90, la ville a voulu changer son image pour attirer une partie des capitaux étrangers qui sont alors arrivés en Inde. Elle a cherché à faire disparaître un symbole: les richshaw à bras, avec leurs "hommes chevaux" qui tirent un ou deux passagers. De nombreuses licences ont été retirées, et on pouvait voir dans la ville des centaines de ces richshaw entassés les uns sur les autres. Mais ceux qui en vivaient n'entendaient pas être ainsi privés de leur gagne-pain. Leurs protestations ont été partiellement entendues. Finalement on en voit encore dans le centre de Kolkata, tirés par des hommes assez âgés car les licences ne peuvent être transmises aux jeunes.

En dehors de la gène évidente que l'on peut ressentir à circuler dans un véhicule tiré par un homme, il n'est pas évident que ce travail soit plus pénible que celui des conducteurs de vélo-richshaws, qui parcourent des distances plus importantes avec des charges plus lourdes, dans une circulation toujours plus dense.

Alors quelle est la situation des gens pauvres qui arrivent chaque jour à Kolkata ? Trouvent-ils plus facilement un travail mieux payé dans une ville plus riche, ou ont-ils plus de mal à se faire une place parce que les prix augmentent et parce que la pauvreté doit désormais être cachée?

L'encombrement des trottoirs de Kolkata n'est pas le signe d'une mégalopole livrée à l'anarchie. Il raconte simplement l'histoire de la ville. Quand les réfugiés sont arrivés par millions du Bangladesh en 1971, il a fallu les accueillir. Ils ont eu le droit d'installer des boutiques sur les trottoirs, selon des règles précises. Ces autorisations ont été remises en cause dans les années 90, pour libérer les trottoirs, et au-delà changer l'image de la ville. Bien sûr, cela a donné lieu à un conflit entre la ville et les commerçants. Finalement une partie des boutiques ont été démantelées, mais beaucoup d'autres sont restées.

Kolkata est une ville de conflits sociaux, de grandes manifestations, de confrontation entre les autorités communistes, qui se veulent les représentants du peuple et des pauvres mais qui sont souvent issues d'une classe moyenne en plein essor économique, et le peuple lui-même, organisé en associations et syndicats souvent liés au parti mais pas forcément dociles. C'est sans doute cette particularité qui explique que Kolkata change de visage depuis quelques années, mais pas aussi vite et aussi radicalement que bien d'autres villes indiennes.


                                                      Dhâkâ

Dhâkâ est une ville plus ancienne que Kolkata puisqu'elle existait déjà au Xème siècle. Tant que le Bengale n'a pas été coupé en deux, la ville était dans l'ombre de Kolkata. Après la Partition, Dhâka est devenue la capitale du Pakistan oriental puis du Bangladesh. Son agglomération compte aujourd'hui plus de 10 millions d'habitants.


Le paysage urbain du Bengale ne peut se résumer à Dacca et Kolkata. On trouve aussi de très nombreuses villes petites et moyennes, en contact étroit avec les campagnes qui les entourent.